Souvent mes histoires mangent mes histoires, et comme la figue se nourrit des guêpes, les absorbe, les incorpore à son entité de fruit, je laisse fondre récit sur récit, poème désintégré au risque des pollens.
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D’abord la texture
plutôt tangerine, orange, mandarine
si c’est bon c’est juteux
et tous les agrumes ont une couleur joviale
il suffit de choisir entre
pamplemousse blanc ou rose
sécrétions amères, IPA
fleuve-récit des petites parties
celles qui se suivent sans effort
des pistils levés
ramener à la ruche
toutes les allergies
et blâmer le vent ou la figue
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Par temps chaud, le bassin méditerranéen met au monde figuiers de toutes sortes. On ordonne aux enfants la cueillette. On consommera le fruit frais, le fruit séché, le fruit en salade.
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Mais la figue n’est pas un fruit. Elle est une accumulation de termes scientifiques et botaniques que le commun des littéraires ne comprend pas : inflorescence, infrutescence, synconium, sac à fleurs nécessitant fécondation immédiate. Pluton n’est pas une planète, la tomate n’est pas un légume. Nous rectifions sans arrêt un monde ancien, jouons sur les mots et les catégories.
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Existences parallèles.
Figue brésilienne : porte-bonheur.
Figue italienne : parties génitales féminines.
Figue française de 1792-1806 : un jour de la semaine.
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La figue n’est pas un fruit, non. Elle n’est pas un faux-fruit non plus. Elle est une prédatrice cruelle et insectivore. Les malheureuses guêpes qui fécondent la fleur mortelle se retrouvent empêtrées dans le suc, parmi le gluant, au cœur du bulbe, avant de se liquéfier dans tous les acides de cette violente dame. C’est en inspiration libre de son homologue la plante carnivore.
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une salive étrangère partage
le nectar dans la chair
la mince peau se pèle
d’ongles, griffes, becs
picorent les gourmands
mon festin s’appelle ficus
à s’en pourlécher les babines
jamais viande fruitée ne fut si
tendre
savoureuse
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Anecdote fruitière.
Il faut déterminer tout ce qui est végane et tout ce qui ne l’est pas, la chasse aux produits animaliers est entamée. Chaque petite trace de produits laitiers, de gélatine animale, tout est inspecté en profondeur. Mais la liste des ingrédients ne suffit pas à bien cerner l’enjeu végétalien. Au bar, la poutine végé avec figues sèches ne passe pas le test. On dit à la serveuse « non, cette poutine n’est pas végé » et « je ne mange pas de guêpes, merci ». La question est donc : quand les guêpes meurent et tombent au sol, se décomposent, les plantes aux alentours ne profitent-elles pas de leur chair d’insecte pour se fortifier? Ne sommes-nous pas constamment dans la consommation de tout? Où sont les limites du régime?
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Recette.
Pâte à tarte
2 œufs
100ml de crème fraîche
50g de sucre en poudre
50g de poudre d’amande
10 figues fraîches
Placer la pâte dans un moule à tarte. Faire cuire 10 minutes à 350˚F. Battre les œufs avec le sucre en poudre jusqu’à ce que le tout blanchisse. Ajouter la crème fraîche et la poudre d’amande. Verser le tout sur le fond de tarte, sans recouvrir. Ajouter les figues tranchées en deux de sorte qu’elles ressemblent à de petits cœurs face vers le haut. Bien enfoncer les cœurs-figues dans la crème. Cuire au four pendant environ trente minutes à 450˚F.
Bon appétit!
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exporter les saveurs
aux ports ouverts sur le monde
j’ai farfouillé et trouvé la figue rare
léché sa fine pelure
une odeur d’ailleurs collait à son emballage
toutes les petites fleurs
de sa tendre douceur
une seconde-délice
j’ai l’exquis
il faut laisser
le caprice se dilater
Étudiant à la maîtrise en cinéma, Victor travaille également dans le domaine de la littérature. Il a publié nouvelles et poésie dans quelques revues (Moebius, Lieu Commun, Crachoir de Flaubert, etc.) et réalisé quelques courts-métrages. Il anime Poésie d’espionnage et codirige la revue Nyx.